Mounir Satouri (député au Parlement Européen): "Le pacifisme n’est pas une reddition face à la loi du plus fort, mais un engagement"
C’est parce que je me considère comme pacifiste que je ne peux que soutenir l’Ukraine.

Les 26 et 27 mars, le Réseau Européen de Solidarité avec l'Ukraine (RESU) a organisé une conférence à Bruxelles qui a réuni plus de 200 activistes. Mounir Satouri, député français au Parlement Européen pour le groupe "Les écologistes/les verts" y est intervenu dans le cadre d'une session intitulée "Quelle paix?".
Sur le conflit qui oppose l’Ukraine à la Russie, la seule exigence que j’ai posée, en tant qu’humaniste, c’est que le soutien à l’Ukraine doit se faire sur la durée.
Je suis fier, en tant que militant écologiste, de notre engagement, et en particulier, en tant que militant pacifiste, je peux dire que je suis fier du soutien à l’Ukraine.
En effet, je considère qu’il n’y pas là de contradiction. C’est parce que je me considère comme pacifiste que je ne peux que soutenir l’Ukraine. Le pacifisme n’est pas une reddition face à la loi du plus fort, mais un engagement. Le pacifisme, ce n’est pas céder à l’agresseur. C’est refuser la logique des armes, dans le respect du droit international, du droit des peuples à l’autodétermination, dans le cadre d’une négociation qui doit être réelle et juste.
Ce que fait le président Trump aujourd’hui en se retirant, il ne le fait pas au nom du pacifisme ni pour la paix, mais parce que son agenda est tout autre. Il veut transformer le cadre des relations internationales, sortir de la confrontation à la Russie et construire un nouvel ordre mondial basé sur la brutalité et sur la force. C’est à ça que vous/nous faisons face.
Mais je tiens à souligner que le président américain a finalement un mérite : il est sorti de la logique du double standard. La semaine même où il a décrété la fin de l’assistance à l’Ukraine, il a annoncé vouloir vider Gaza de sa population pour y bâtir des gratte-ciels et pour y construire la Côte d’Azur moderne et nouvelle. Il est sorti du deux-poids deux-mesures. C’est sa cohérence à lui… Ce n’est pas le cas des décideurs européens, de mes collègues au Parlement européen et des dirigeants des États-Membres de l’Union Européenne. Et je le regrette.
Le deux-poids deux-mesures est en train de détruire l’image de l’Europe…
C’est au nom du multilatéralisme, de mes principes et de mes valeurs, de mon attachement au droit international que je soutiens l’Ukraine. Et c’est exactement de la même manière que je soutiens les populations civiles à Gaza, en Cisjordanie, en Palestine occupée.
Avec la même force, si je m’oppose à l’occupation de Poutine et de la Russie en Ukraine, je me dois de m’opposer à l’occupation de la Palestine par Israël. Toutes celles et ceux qui pratiquent le deux-poids deux-mesures fragilisent le droit, fragilisent l’Ukraine Toutes celles et ceux qui négocient l’universalisme et piétinent le droit international trahissent l’Ukraine… mais ils se fragilisent eux-mêmes en réalité.
Je vous disais venir en tant que pacifiste, mais je suis là aussi en tant que Président de la commission DROI du Parlement européen. Les violations du droit international, les exactions commises en Ukraine ne sont plus à prouver. Et leurs responsables doivent répondre de leurs actes. Il n’y aura pas de paix juste sans justice. Et c’est dans ce sens que je soutien la Cour Pénale Internationale (CPI) et que je rappelle que les enquêtes en cours doivent pouvoir être menées jusqu’au bout. Pour cela, il est de notre responsabilité de tout faire pour maintenir la CPI, seul organe légitime à le faire.
Je suis scandalisé par les sanctions imposées et les défiances brandies au seul motif que la CPI a lancé un mandat d’arrêt contre Netanyahou. Comment vouloir la destruction de la CPI ? Comment laisser Mr Trump imposer des sanctions extraterritoriales qui pourraient nous empêcher nous, États européens ou autres États parties, de prendre les mesures juridiques que nous voulons ? En tant qu’États signataires du Statut de Rome, la CPI est notre Cour. Elle est notre outil de lutte contre les injustices internationales, elle est l’une des manières de rendre justice aux victimes. C’est comme si Poutine avait condamné la Cour suprême espagnole ou la Cour de cassation française sans que cela nous fasse réagir. Au contraire, nous devons mettre en marche tous les leviers utiles pour défendre la CPI.
Madame la présidente Von der Leyen pourrait décréter demain un statut de blocage pour contrer la décision de Trump. Cet outil européen de protection juridique existe, et il peut offrir protection et stabilité à la CPI… Au lieu de cela, pour le moment, elle ne prend pas ses responsabilités et prétexte le manque d’unanimité au Conseil. C’est un mensonge : au contraire, il ne faut qu’une majorité qualifiée pour activer ce « statut de blocage », et ce ne serait d’ailleurs pas la première fois : l’Europe l’a déjà activé pour contrer les sanctions américaines contre Cuba et protéger les entreprises européennes de leurs effets extraterritoriaux.
J’appelle la Présidente de la Commission européenne à prendre ses responsabilités pour protéger aussi les victimes ukrainiennes au même titre que toutes les victimes des violations du droit international !
Je suis aussi venu ici aussi en tant qu’écologiste et j’ai un message : à nous, Européennes et Européens, d’avoir des politiques efficaces. Un exemple : l’efficacité énergétique. Si on isolait nos maisons, on pourrait isoler Poutine. Tant qu’on achètera du gaz et du pétrole à la Russie, nous continuerons à financer les bombardements. Il est temps de construire notre autonomie énergétique pour sortir de la dépendance. Poutine nourrit sa guerre avec notre dépendance !
Enfin, je suis ici en tant que député européen et en simple citoyen.
Ce que subi l’Ukraine depuis 3 ans est venu bouleverser tous les acquis de l’Union Européenne. Nous croyions à la promesse européenne de paix. Non seulement cette paix est fragile et remise en cause par l’attaque russe en Ukraine, mais au-delà, la prospérité européenne se voit aussi directement perturbée, notamment avec l’inflation, d’autant plus subie par les plus fragiles.
Or le coût de la guerre ou de l’effort militaire ne peut, ne doit pas être supporté que par les plus faibles et les plus fragiles. En France, le gouvernement souhaite multiplier par deux l’investissement annuel dans l’armement sans augmenter les impôts, en particulier ceux des plus riches. Mais s’il y a des besoins avérés pour notre autonomie stratégique et pour le rapport de force diplomatique, pour le réarmement et une émancipation européenne, l’on ne peut la faire reposer sur l’ensemble de la population qui subit déjà largement les méfaits économiques et sociaux de la charge. L’effort doit être partagé et la justice fiscale doit être au rendez-d-vous si nous voulons que nos populations acceptent que nous continuions à soutenir l’Ukraine. La charge doit être partagée par toutes et tous, en, Ukraine comme en Europe.
Enfin, j’insiste sur un dernier point : il nous faut un cadre européen sur l’exportation et l’importation des armes dans le respect des droits humains. Il faut poser les principes et les valeurs. Une arme n’est pas et ne doit jamais être une marchandise comme les autres.
Mounir Satouri
Né au Maroc en 1975, défenseur des droits humains et écologiste. Engagé dès l’âge de 15 ans pour les droits humains, Mounir Satouri est emprisonné par le régime marocain pour avoir manifesté. Arrivé en France à 16 ans en 1991, il s’engage dans le syndicalisme étudiant et l’associatif, notamment contre le nucléaire et pour les droits humains.
Engagé professionnellement dans le social, il a eu de nombreuses responsabilités au sein du parti écologiste en France, jusqu’à devenir député européen en 2019.
En tant que député européen il a consacré son premier mandat à la question des droits, mais aussi au sujet de la défense, par exemple en luttant ouvertement contre la prolifération nucléaire…
Depuis 2024, Mounir Satouri est président de la commission Droits humains au Parlement européen… Les droits en Palestine, Tunisie, Egypte sont des causes régulièrement soulevées, mais également de nombreux sujets transversaux, comme la lutte contre le travail forcé, la protection des défenseurs des droits ou encore la justice sociale.