La société ukrainienne dans la troisième année de résistance à l’invasion russe : points d’unité et de division par Vitalyi Dudin
La principale caractéristique de la société est la déception des gens face à l’inadaptation du capitalisme ukrainien pour la guerre
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Soutien à l'Ukraine résistante n°36 (février 2025)
Nous sommes en février 2025 et de nombreux Ukrainiens ont oublié à quoi ressemblait leur vie avant l’invasion russe. Le sentiment d’insécurité, les pertes douloureuses et la séparation d’avec les membres de la famille sont des attributs inhérents à la vie de nos citoyens, qu’ils vivent en Ukraine ou même à l’étranger. La longueur de la ligne de front en Ukraine dépasse désormais les 3 000 kilomètres. La population de l’Ukraine s’est réduite à environ 30 millions d’habitants. Les autorités font-elles assez pour réduire la menace militaire et préserver un espace de vie ? Telles sont quelques-unes des questions clés qui préoccupent les Ukrainiens et qui définissent leur attitude à l’égard de l’État en pleine guerre. La vie politique s’anime peu à peu, même si la situation autour de nous ne semble pas s’y prêter, avec la poursuite de l’offensive russe dans le Donbass et le risque de bombardements sur toutes les villes.
Face à l’impérialisme le plus agressif de notre époque – l’impérialisme russe – le peuple ukrainien a choisi la voie de la lutte. Notre société a montré un élan d’auto-organisation sans précédent, a pardonné à l’État ses imperfections et la solidarité internationale est devenue tangible. L’Ukraine tient bon, le poutinisme n’a pas atteint ses objectifs mais l’issue semble lointaine.
L’État ukrainien a peu changé depuis, mais le contexte dans lequel il opère a changé. Il n’y a pas de solution facile pour sortir de l’état de guerre. Que devrions-nous faire – mettre fin à la guerre contre l’impérialisme russe ou la poursuivre, tout en devenant dépendants du président américain Donald Trump ?
Bien sûr, les changements dans la situation internationale auront un impact sur la façon dont les transformations au sein de l’Ukraine auront lieu. J’aimerais faire le point sur ce que les trois années de guerre ont apporté et si la dynamique actuelle ouvre des perspectives pour une politique plus progressiste.
Le capitalisme ukrainien, une usine à problèmes
Rares sont les analystes politiques qui, lorsqu’ils étudient le système politique ukrainien, ne soulèvent pas la question de la légitimité du président Zelensky. Mais la question mérite d’être posée plus profondément : tout le discours dominant fondé sur les valeurs libérales et la confiance en l’Occident est-il en train de perdre sa légitimité ? Il est en train d’échouer. Au début de la guerre, tout semblait plus simple : nous voulions un capitalisme à l’américaine et une intégration dans l’OTAN. Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, les choses se compliquent et les objectifs précédents sont remis en cause. Le consensus de droite s’effondre progressivement. Les attitudes à l’égard de l’extrême droite ont changé. Les événements récents ont montré la proximité de leurs idées avec les idées conservatrices de l’extrême droite européenne, adepte de Vladimir Poutine.
La plupart des forces politiques ne vont toujours pas au-delà du consensus droite-libéral. Bien sûr, les idées réactionnaires d’ethno-nationalisme et d’autoritarisme sont largement représentées en Ukraine, mais heureusement pas autant que le voudrait la propagande de Poutine.
Par ailleurs, la revendication de justice sociale des masses est de plus en plus prononcée : les mineurs, les infirmières et les cheminots ukrainiens souffrent tellement des abus des classes dirigeantes que la lutte contre ces abus n’a pas cessé, même au milieu de la guerre. Dans le chaos de la guerre, l’inégalité sociale est encore plus douloureuse qu’auparavant : si vous êtes riche, vous avez beaucoup plus de chances de sauver votre vie ! En même temps, l’incapacité de l’appareil d’État à être au service les gens a été prouvée par des exemples tragiques. Si l’on ne résout pas la question sociale, c’est-à-dire la redistribution des biens et du pouvoir en faveur de la majorité de la population, l’Ukraine est condamnée à se trouver dans une situation extrêmement précaire.
Cependant, la mise en œuvre d’une ligne de conduite de la gauche n’est pas si simple. Nous sommes en fait le seul pays européen où la gauche est absente de la « grande scène » politique en tant que phénomène, et presque toutes les forces politiques jugent nécessaire de proférer la haine de la gauche, en manipulant habilement les traumatismes du passé soviétique.
L’Olympe politique existera encore longtemps sans la gauche, il faut l’accepter. Toutefois, au niveau local, un champ de pratique politique de gauche s’ouvre. J’associe mon optimisme à l’activisme des représentants des régions relativement industrialisées de l’est et du sud de l’Ukraine, proches de la ligne de front actuelle. Pourquoi ? Parce que pendant la guerre, ces régions ont connu une transformation significative. Tout d’abord, elles ont bénéficié d’un grand coup de fouet moral, car leurs compétences se sont révélées extrêmement utiles pendant la guerre – à la fois dans la production et, surtout, sur la ligne de front. Deuxièmement, ces villes ont enfin affirmé leur identité nationale face à la terreur impitoyable de la Russie. Troisièmement, de nombreuses personnes (en particulier des femmes) sont parties vers l’Union européenne, et ont fait l’expérience de l’efficacité des politiques de l’État-providence. C’est donc dans cet environnement que les partisans des idées de gauche devront chercher leur base sociale (même si, bien sûr, les oligarques voudront aussi jouer sur le mécontentement des masses).
À mon avis, la principale caractéristique de la société n’est pas tant la lassitude des gens face à la guerre que leur déception face à l’inadaptation du capitalisme ukrainien aux conditions de la guerre. La dépendance de l’élite à l’égard des instruments libéraux l’a empêchée de prendre des décisions qui auraient pu sauver des vies :
1) le développement du complexe militaro-industriel a échoué en raison de la dépendance à l’égard des importations d’équipements militaires ;
2) nous n’avons pas réussi à introduire l’impôt progressif en raison de l’attrait des prêts [occidentaux] ;
3) la fin du contrôle de la protection du travail a entraîné la mort de nombreux et précieux spécialistes ;
4) l’austérité dans le secteur public a entraîné une détérioration de la qualité du potentiel humain, rendant de plus en plus difficile pour les Ukrainiens d’étudier et d’éduquer leurs enfants, de suivre un traitement médical et de se réadapter ;
5) les restrictions des droits des travailleurs ont profité aux oligarques, et ont découragé les gens de travailler.
La volonté de maintenir le capitalisme intact nous a coûté cher. Je reste persuadé que l’Ukraine est capable de résister à Poutine, mais à quel prix ? Les rumeurs persistent selon lesquelles l’Ukraine céderait ses richesses naturelles pour continuer à recevoir de l’aide et que ce serait le prix naturel à payer pour ne pas à démanteler le système de capitalisme libéral qui a freiné notre potentiel. Sans parler des problèmes de corruption et de conditions de vie déplorables.
La mobilisation
La question de la mobilisation est devenue l’un des sujets qui divisent le plus la société. Cependant, l’Ukraine n’avait guère d’autre moyen de résister à l’armée russe pendant trois ans et sans être membre de l’OTAN. Au sein de Sotsialnyi Rukh, il y a à la fois des personnes qui sont allées volontairement au front et d’autres qui ont été mobilisées. Toutes méritent un respect sans bornes car elles permettent à notre organisation de remplir sa véritable mission.
C’est difficile à admettre, mais arrêter la mobilisation dans ces conditions, c’est alourdir le fardeau de ceux qui sont déjà mobilisés et qui se sentent le plus mal. Bien sûr, la procédure peut être améliorée : pour prévenir des événements particulièrement honteux, des « groupes d’alerte » devraient être composés de représentants des structures des droits humains qui enregistreraient les violations des droits élémentaires. Cela aurait peut-être permis de décourager le recours à des méthodes violentes.
Le plus grand problème, cependant, est que la mobilisation du peuple n’est pas accompagnée par des mesures de mobilisation équivalente contre le capital (voire la confiscation des biens des groupes oligarchiques). Le fait que la société ukrainienne ait fait preuve d’une forte unité contre l’idée d’une réserve [exemption] économique (« seuls les pauvres se battent ») est une victoire évidente, car autrement le désespoir aurait pu être total. Il ne fait aucun doute que l’Ukraine doit rechercher un équilibre entre les besoins de mobilisation et le fonctionnement de l’économie. Il est indéniable qu’un nombre important d’hommes échappent à la mobilisation et viennent grossir les rangs de la population économiquement inactive. Toutefois, il est possible de parvenir à cet équilibre grâce à des outils socialement acceptables : des réserves temporaires pour les hommes qui commencent à travailler après une longue interruption, des réserves pour le personnel clé dans les infrastructures critiques et l’adaptation de la sphère sociale et de l’emploi aux besoins des femmes.
Pourquoi les gens vont-ils au front ? Ce n’est pas seulement par amour abstrait de l’Ukraine (même si, croyez-moi, cette raison suffit à beaucoup). Le fait est que la plupart des Ukrainiens croient en la capacité de l’Ukraine à changer.
C’est ce qui nous différencie des pays voisins comme la Russie et le Bélarus, où toutes les décisions dépendent depuis longtemps de la volonté d’une personne en place. De nombreux Ukrainiens rêvent de voir l’État lutter contre la concentration excessive des richesses, où l’économie commencera à fournir aux Ukrainiens tout ce dont ils ont besoin pour une vie prospère et où les conditions de travail seront influencées par les organisations syndicales pour rendre les gens heureux. Nous régnerons alors véritablement sur notre pays, nous n’aurons plus peur des ennemis extérieurs et nous cesserons de les chercher à l’intérieur.
Lutte sociale : qui défend les travailleurs ?
Pendant la guerre, la gauche ukrainienne et Sotsialnyi Rukh, ont été contraints de se réinventer dans de nouvelles conditions. Nos militants combattent l’occupant les armes à la main, répondent bénévolement aux besoins humanitaires et militaires, fournissent une assistance juridique aux travailleurs des infrastructures critiques touchés par les agresseurs russes et apportent un soutien psychologique au groupes affectés par la guerre. Nous sommes des membres à part entière de la société civile, même si nous sommes porteurs de valeurs particulières : nous croyons à la démocratie socialiste, à la solidarité internationale et à la primauté de la dignité humaine. Et notre position claire contre les politiques néolibérales n’a jamais été aussi pertinente.
Dans le contexte actuel d’aggravation de la crise, le gouvernement cherche un moyen facile de stabiliser l’économie aux dépens des citoyens : en introduisant un système de retraite par capitalisation, en adoptant un nouveau Code du travail pour remplacer celui de 1971 et en privatisant les banques ou les chemins de fer appartenant à l’État. Aucune de ces réformes n’est nouvelle – tous les gouvernements ukrainiens ont voulu les mettre en œuvre depuis la crise financière de 2008. La survie du mouvement syndical organisé dépend de la capacité des syndicats ukrainiens à trouver la force de s’unir et de lutter contre ces réformes exorbitantes. Bien sûr, les syndicats ukrainiens sont depuis longtemps un instrument de lutte collective, mais pendant l’invasion, ils sont devenus plus conscients de leur responsabilité envers les travailleurs, car ils restent la voix la plus forte des intérêts des travailleurs.
Malgré l’interdiction officielle des rassemblements, des manifestations de rue contre les fermetures d’hôpitaux et des fusions d’universités ont lieu en Ukraine. Car rien ne nous fera accepter les mauvaises conditions de vie. Dans la plupart des cas, l’optimisation du secteur public est réalisée d’une manière qui arrange les fonctionnaires, et non pour améliorer la qualité du service ou pour dégager des fonds pour la victoire. Par ailleurs, les Ukrainiens contestent de plus en plus les violations de leurs droits du travail devant les tribunaux, et chaque succès dans ces affaires est la victoire du peuple qui lui donne la force pour aller de l’avant et de remporter une grande victoire pour l’Ukraine.
Je veux croire qu’à l’avenir la classe ouvrière jouera un rôle beaucoup plus important dans la vie du pays. Si elle a joué un rôle si important dans le maintien de la ligne de front et de la stabilité économique, serait-il démocratique de la priver de sa voix dans la sphère politique ? L’absence de forces politiques de gauche est le plus grand problème de la démocratie ukrainienne. Mais malgré toutes les pertes et la privation de droits actuelle, la classe ouvrière a une chance de devenir forte à long terme.
Des élections qui bousculent la démocratie
L’Ukraine est aujourd’hui confrontée à un choix difficile : comment préserver notre dignité et protéger notre démocratie ? Nous pouvons tous constater que la société se politise à grande échelle et cherche des idées pour changer le pays. Quelle sera la solution aux contradictions accumulées ? En dehors d’une révolution (dont la perspective n’est jamais à exclure en Ukraine), la seule option est l’organisation d’élections. Cependant, l’ensemble de la société est convaincue que la tenue d’élections pendant la guerre pourrait être l’une des épreuves les plus difficiles pour notre démocratie.
De nombreuses questions angoissantes se posent. Comment les élections peuvent-elles se dérouler en toute sécurité ? Les forces prorusses ne gagneront-elles pas ? Si les élections ont lieu, changeront-elles le paysage idéologique ?
Je pense que nous ne devons pas céder à la peur panique. Nous devons réfléchir davantage aux dommages qui seront causés si les élections ont lieu demain et qu’elles se déroulent sans notre influence. Nous, la gauche ukrainienne, devons enfin donner aux travailleurs ukrainiens le droit de choisir. Si nous ratons les prochaines élections parce que nous ne sommes pas prêts, rien ne dit que l’histoire nous donnera une nouvelle chance de faire nos preuves. Malheureusement, la guerre nous a rappelé que le temps est limité et que nous ne sommes pas éternels. Si nous ne saisissons pas cette chance, nous serons condamnés à continuer à tourner en rond dans la lutte contre les conséquences du capitalisme à l’agonie – réduction des droits du travail, fermeture d’hôpitaux, etc.
Tout d’abord, je voudrais commenter les craintes qui existent d’une vengeance pro-russe. Comment la Russie peut-elle espérer un quelconque succès alors qu’elle a causé des dommages irréparables à l’Ukraine et qu’elle s’est dressée elle-même contre les habitants des régions russophones qui lui sont proches ? Par ailleurs, l’Ukraine a déjà neutralisé les forces prorusses, notamment en interdisant les partis susceptibles d’avoir des liens avec la Russie.
Les prochaines élections ne seront manifestement pas l’occasion d’une revanche pro-russe. Celle-ci pourrait survenir bien plus tard, si de plus en plus de personnes sont déçues par la démocratie ukrainienne et sa capacité à traiter les questions urgentes. Le plus grand danger est d’affronter seul ses propres problèmes et de s’y noyer. Lorsque l’agression de Poutine ne sera plus une excuse et que l’aide des partenaires internationaux disparaîtra. En d’autres termes, je pense que nous devons réfléchir ensemble à la manière de rendre notre démocratie durable, et que personne ne puisse la démanteler.
Je voudrais vous rappeler que les élections dans la République populaire d’Ukraine il y a plus d’un siècle n’ont pas pu empêcher l’effondrement de l’État ukrainien, bien qu’elles n’aient pas été une victoire pour les forces russes. Je pense que l’Ukraine est beaucoup plus forte aujourd’hui.
Malgré la perspective des élections, nous devrions réfléchir à la manière d’adapter le régime juridique de la loi martiale aux besoins de la démocratie ukrainienne (et non l’inverse). D’autant plus que la guerre va durer longtemps. Nous devons lever les restrictions sur le droit de grève et de manifestation, et étendre les formes de contrôle public ! Car dans le contexte ukrainien, la démocratie n’empêche pas les victoires militaires. En revanche, sa disparition provoque la panique, la peur et la méfiance. Au cours des trois dernières années, nous avons eu beaucoup de preuves de la première proposition et, malheureusement, de la seconde.
Solidarité mondiale et reconstruction
En conclusion, on ne saurait trop insister sur le fait que la question ukrainienne est une question mondiale. Je suis sincèrement convaincu que cette guerre montrera la capacité du monde à s’unir contre la barbarie. Les camarades des mouvements de gauche du monde entier ont encore une chance d’empêcher la plus grande catastrophe du 21e siècle –
la défaite de l’Ukraine dans la guerre contre l’oppresseur impérialiste russe. Le succès des Ukrainiens servira d’exemple aux autres nations du monde qui osent aller à l’encontre des plans de l’envahisseur.
Je tiens à exprimer une fois de plus mon mépris pour ceux qui, depuis la pseudo-gauche, ont oublié l’essence de la véritable solidarité et cherchent n’importe quelle excuse pour refuser à l’Ukraine le droit de se défendre. Dans leurs analyses géopolitiques, ils ignorent le peuple ukrainien, qui est la clé de la résistance et de la prévention des réformes néfastes.
Enfin, je voudrais dire quelques mots sur la reconstruction. Malheureusement, les mots « reconstruction juste » perdent leur sens, tout comme les mots « paix juste ». Nous devons donner un sens réel à ce concept.
Pour moi, la paix et la reconstruction seront justes dans les conditions suivantes :
1) Garantir l’indépendance
L’annulation de la dette extérieure de l’Ukraine est une condition préalable. L’économie doit être socialisée : les entreprises stratégiques doivent être détenues par l’État sous la direction de collectifs de travailleurs. L’accent doit être mis sur le développement de l’énergie verte et de l’industrie afin que nous puissions produire des biens technologiques chez nous et ne pas dépendre des maîtres étrangers.
Les sociétés transnationales devraient adhérer à des normes sociales qui ne soient pas pires que celles de leur pays d’origine. Les ressources naturelles et la main-d’œuvre ukrainiennes doivent alimenter notre économie, et non assurer la prospérité de quelqu’un à l’étranger. Une perspective stratégique consisterait à conclure des alliances de défense avec les pays qui se sentent menacés par la Russie (notamment la Pologne, les États baltes et la Scandinavie). L’ensemble de la population devrait suivre une formation militaire et l’État devrait créer des garanties sociales appropriées à cet effet (maintien du salaire moyen pendant la formation). Dans ces conditions, l’Ukraine pourra surmonter sa position périphérique et mettre son indépendance au service des intérêts de la population.
2) Le pouvoir des travailleurs
La population active de l’Ukraine a payé un lourd tribut à l’indépendance et elle mérite donc le pouvoir. Les travailleurs doivent avoir une influence sur l’état des choses en Ukraine, en particulier à travers les partis ouvriers de gauche. Les lois ne devraient pas être adoptées sans l’accord des syndicats. Les travailleurs doivent être représentés dans la gestion des entreprises afin de garantir une répartition équitable des résultats de l’activité économique. Tous les accords d’investissement doivent être soumis à des audits syndicaux pour s’assurer qu’ils vont dans l’intérêt à long terme de la classe ouvrière et qu’ils favorisent l’emploi productif. Un ministère du travail devrait être créé pour veiller à ce que les intérêts des travailleurs soient pris en compte de manière optimale, pour déterminer la charge de travail la meilleure et pour coordonner les inspections du travail et les services de l’emploi, avec une direction nommée par les syndicats. C’est la seule façon de restaurer la confiance des travailleurs dans l’État et de promouvoir l’inclusion des citoyens dans la politique.
3) Une politique sociale pour tous
Égaliser les salaires entre les femmes et les hommes en établissant des salaires minimums fixes pour les secteurs les plus féminisés – édu- cation, santé et soins (ces salaires ne devraient pas être inférieurs à la moyenne nationale). Les appels d’offres pour la reconstruction devraient inclure des clauses sociales – le gagnant devrait être le candidat qui offre les meilleures conditions de travail et garantit la participation des employés à la gestion. L’accent doit être mis sur le soutien des programmes d’emploi par le biais de projets de construction d’infrastructures à grande échelle (y compris d’infrastructures sociales). Le syndicat peut obliger le propriétaire à augmenter les effectifs si la charge de travail maximale est dépassée. Les mères, les vétérans de guerre et les personnes handicapées devraient avoir un droit prioritaire à l’emploi. Il doit devenir économiquement non rentable de maintenir des normes sociales trop peu élevées !
Tous ces changements ne couvrent certainement pas tout ce dont l’Ukraine a besoin. Mais ils peuvent contribuer à ouvrir la voie à une politique plus inclusive, pluraliste et démocratique.
Je voudrais également exprimer ma gratitude à tous nos amis internationaux qui ont fait leurs nos difficultés et nos triomphes, qui ont collecté des fonds et envoyé des fournitures précieuses à l’Ukraine, qui ont fait circuler de vraies informations malgré la crainte de faire l’objet de fausses accusations dans leur propre pays. Ensemble, nous avons déjà réalisé l’impossible : l’Ukraine a résisté et son avenir sera sans aucun doute beaucoup plus lié à celui du monde entier.
Vitaliy Dudin
Vitaliy Dudin est avocat du travail, membre de l’organisation socialiste Sotsialnyi Rukh. Kyiv, 12 février 2025.
Lien pour télécharger le numéro complet de Soutien à l'Ukraine Résistante n°36.