En 5 épisodes, Anne-Charlotte Rémond retrace l’histoire de la musique Ukrainienne de ses origines à nos jours : les chansons populaires, les cantiques, l’importance des kobzars. Ecoutez la série Musicopolis, Musique en Ukraine : une histoire muselée. Une émission de Radio France avec de nombreux extraits musicaux.
CHAPITRE 1 : La musique ukrainienne existe-t-elle ?
La question est évidemment assez provocatrice ! C’est exprès ! Bien sûr, si je consacre une série de 5 émissions à cette musique, c’est bien qu’elle existe. Et pourtant, au débotté, comme ça, que pourriez-vous dire de la musique ukrainienne ? Alors que pour d’autres pays, je suis sûre que vous connaissez au moins un ou deux noms de compositeurs, un air de chanson, un début de mélodie, pour l’Ukraine qu’est-ce qui vous vient à l’esprit ? Si vous êtes comme moi lorsque j’ai commencé à m’intéresser au sujet (vers février 2022…), sans doute pas grand chose… Et comment doit-on considérer les compositeurs nés en Ukraine lorsque le pays faisait partie de l’Empire russe ? Prokofiev par exemple, compositeur ukrainien ou russe ? – Anne-Charlotte Rémond
Lien pour écouter le premier chapitre. (24 minutes)
Musiciens lors d’une cérémonie en Ukraine, 1920. ©Getty – Keystone / Intermittent
CHAPITRE 2 : Aux origines de la musique ukrainienne, les chansons populaires et les cantiques
Dans le premier chapitre, nous avons retracé à grands traits l’histoire du pays, une histoire mouvementée qui a influencé et façonné le développement de sa culture.
Si, de nos jours, la musique ukrainienne la plus connue est celle qu’on entend au concours de l’Eurovision, et si beaucoup de pièces classiques ont une saveur folklorique particulière, ce n’est pas tout à fait un hasard ! C’est que la musique populaire a eu de tous temps en Ukraine une grande, très grande importance. Bien sûr, il n’est pas question d’assimiler, sur un plan technique et musical, la musique populaire actuelle à la musique folklorique ancienne mais les deux ont la particularité d’être l’expression authentique du peuple ukrainien, une manière de se réunir dans le chant, on pourrait dire : une forme de communion, et qui repose sur une tradition et sur un socle poétique commun.
Pour ce qui est du répertoire des chansons, c’est le même dans toutes les couches de la société. Ainsi, jusqu’au 18ème siècle, aussi bien les mariages que les cérémonies de deuil se passent de la même manière, avec les mêmes chants chez le paysan ou chez le seigneur, avec juste un peu plus de magnificence chez le second…
Quant à la musique religieuse, elle a une grande importance en Ukraine au cours du Moyen Age puis de la Renaissance, puisque c’est la seule musique qui est notée et qu’elle participe donc au développement de l’art musical.
Partons aux origines de la musique ukrainienne, pour découvrir ses chansons populaires et ses cantiques…
Lien pour écouter le deuxième chapitre (25 minutes)
CHAPITRE 3 : Au XIXème siècle, naissance d’une conscience musicale ukrainienne
Lorsque l’on regarde attentivement la biographie des premiers compositeurs dans l’histoire de la musique ukrainienne, un vrai problème se pose. En effet, les mêmes compositeurs sont retenus à la fois dans l’histoire de la musique russe et dans l’histoire de la musique ukrainienne. Ainsi dans l’article Fédération de Russie du dictionnaire Grove, on trouve cette mention au sujet de la musique sacrée de 1730 à 1860 : “Les compositeurs autochtones les plus distingués de l’époque étaient les Ukrainiens Bortnyansky et Berezovsky, qui ont tous deux étudié en Italie.” ! Autrement dit, l’Ukraine est alors tellement assujettie politiquement à l’Empire russe, qu’on considère les Ukrainiens comme des “Russes autochtones”.
Le premier compositeur et théoricien connu au 17ème siècle est Mykola Diletsky, s’en suivra au 18ème siècle trois grands compositeurs nés entre 1745 et 1767, reconnus comme Ukrainiens et qualifiés par les historiens de “Triade d’or » : Bortniansky, Berezovsky et Vedel.Au 19ème siècle, peu à peu la situation va changer, avec l’émergence d’une conscience musicale nationale. D’abord le baryton Gulak-Artemovsky compose des opéras aux sujets ukrainiens.
Puis, parmi les musiciens particulièrement intéressés par les recherches sur la musique populaire, il s’en trouve un qui est reconnu comme le Premier parmi les grands compositeurs ukrainiens, et qui (lui aussi, après la Triade d’Or du 18ème siècle) est gratifié du titre de “Père de la musique ukrainienne”, c’est Mykola Lysenko…
Lien pour écouter le troisième chapitre. (25 minutes)
CHAPITRE 4 : Le renouveau de la musique ukrainienne, l’importance des kobzars
On a coutume de dater le renouveau de la musique ukrainienne, en tant que musique nationale, de l’époque de Mykola Lyssenko. Il est en effet le premier compositeur à avoir collecté les chants et les danses populaires ukrainiens sur une grande échelle, pour les publier en 7 volumes, tout au long de sa vie. Cette transmission du répertoire populaire n’aurait pas existé sans les kobzars, qui ont joué un rôle majeur dans l’histoire de la musique ukrainienne.
Les kobzars font partie du peuple, et nous pourrions les comparer à des ménestrels ou à des troubadours : ce sont des musiciens professionnels itinérants, le plus souvent aveugles, qui depuis des siècles arpentent le pays pour faire entendre la mémoire musicale du peuple ukrainien. Dans les chants qu’ils se transmettent d’une génération à l’autre, ils rapportent toute l’histoire du pays qu’ils vont chanter sur les routes, dans chaque ville, dans chaque village, jusqu’à atteindre chaque groupe d’habitants, urbains et ruraux, qui de cette manière seront instruits de leur histoire…
CHAPITRE 5 : L’Ukraine soviétique puis l’indépendance… compliquée
Nous l’avons vu tout au long de cette série, l’Ukraine, au fil des siècles, entre souveraineté et domination étrangère, a développé un riche et original patrimoine de chants et de danses. Pendant que les Ukrainiens de toutes classes se reposaient sur leur musique populaire, qui leur transmettait aussi une mémoire historique poétique, le rite catholique byzantin a suscité également une musique religieuse purement ukrainienne. En revanche, depuis l’époque moderne, sous domination russe pour la majeure partie du territoire, en l’absence d’une classe supérieure ukrainophone, la musique classique, de concert, n’a pas eu l’occasion d’éclore. Lorsque des compositeurs prometteurs sont apparus, ils ont été appelés à la cour du tsar, et ils ont fait leur carrière à St Petersbourg ! Et comme tout est fait alors pour supprimer la culture ukrainienne, et pour rabaisser la langue ukrainienne au rang de dialecte de paysans “petits-russiens”, il n’y a pas non plus d’édition musicale, ni d’école supérieure de musique : les plus chanceux sont contraint d’aller apprendre leur métier ailleurs…Après une brève indépendance de l’Ukraine suite à la Révolution de 1917, l’URSS, sous couvert d’ukrainisation, a encore étendu sa domination et poursuivi son travail de sape de l’autonomie ukrainienne, pour assujettir le pays et sa langue à son grand voisin de l’Est. Enfin, depuis 1991, les Ukrainiens ont retrouvé leur nation, mais ils doivent continuer, encore et toujours, à se battre contre « les prétentions de la Moscovie ».
Lien avec le cinquième chapitre. (25 minutes)