Films ukrainiens accessibles en ligne - La terre est bleue comme une orange
La terre est bleue comme une orange d'Iryna Tsilyk

Promenade à travers quelques films ukrainiens accessibles en ligne sur Takflix

De nombreux films ukrainiens accessibles en ligne peuvent être trouvés sur la plateforme Takflix. Nous vous proposons une sélection des films à voir. 

Heat Singers

« Heat Singers » est un documentaire de Nadia Parfan (2019, 64 min., ST français) qui décrit les conditions de travail du collectif ouvrier d’une entreprise municipale de chauffage à Ivano-Frankisk en Ukraine occidentale. On comprend l’aisance avec laquelle Nadia a pu filmer, y compris des moments difficiles, quand on connaît la relation intime qui existe entre la cinéaste et le collectif. Son grand-père était un ingénieur qui a mis en place l’entreprise dans les années ’60 ; sa mère y a fait toute sa carrière professionnelle. Avec humour et finesse, le film montre la reconquête de la dignité ouvrière et de la cohésion du collectif autour d’un chœur de chants populaires ukrainiens est organisé par le président du syndicat de l’entreprise. D’un côté, les mauvais salaires, l’absence d’investissement dans des installations de plus en plus désuètes, la rage des usagers qui payent des factures plus élevées tandis que les pannes de chauffage se multiplient. De l’autre côté, la reconnaissance de la ville qui considère la chorale du syndicat comme la meilleure de la région.

La cacophonie du Donbass

« La cacophonie du Donbass » (2018, 61 min. ). D’emblée, Igor Minaiev place la barre très haut et le film maintiendra ses promesses. Le titre et la première séquence du film font référence à un des classiques de l’époque soviétique : « La symphonie du Donbass » de Dziga Vertov, un film fascinant par sa beauté plastique et par une idéalisation des mineurs du Donbass en un grand organisme collectif harmonieux et efficace comme pourrait l’être une troupe mécanisée d’opéra-ballet. Le film traite de l’histoire des mineurs sur une période de plus de huit décennies. L’essor des mines à l’époque du premier plan quinquennal, la création du mythe de Stakhanov, la glorification délirante d’une condition ouvrière qui devient une sorte d’aristocratie dont les cantines sont des salles aux plafonds gigantesques soutenus par des colonnes dignes du Parthénon. En contre-point, d’autres scènes rappellent la réalité de conditions de travail entre accidents et silicose. Les séquences sur la période soviétique construites à partir d’archives parfois surprenantes débouchent sur la grande révolte des mineurs en 1989 et 1990. Deux grèves générales suivies massivement qui dénoncent les mauvaises conditions de travail et les bas salaires. La deuxième grève générale a aussi pour but de démocratiser le Donbass en se débarrassant du pouvoir du Comité du parti. Les séquences suivantes pourraient constituer la matière d’un film surréaliste avec des mineurs dansant en tutu à la sortie des douches, un mariage en treillis dans une des milices pro-russes et le va-et -vient paresseux des poissons au milieu d’allées sous-marines constituées par des centaines de statues de l’époque soviétique que la population a immergées dans la mer. Les dernières séquences sont consacrées à la violence et à la terreur causées par l’annexion de fait par la Russie d’une partie du Donbass en 2014.

La terre est bleue comme une orange

« La terre est bleue comme une orange » (Iryna Tsilyk, 2020, 74 min.) est un film qui traite de la guerre à partir d’un documentaire sur le tournage d’un film familial sur la vie quotidienne dans la guerre « de basse intensité » qui s’est livrée dans le Donbass entre 2014 et 2022. Dans une petite ville où les écoles sont fermées, Anna Trofymchuk et sa fille Myroslava mènent un projet commun : tourner une fiction inspirée de leur quotidien. Le film passe d’un registre à l’autre avec un thème unique : la vie quotidienne de cette famille dont tous les hommes adultes se sont éloignés (le grand-père est mort, le père a émigré au Canada et n’a pas l’air très soucieux de savoir ce qui arrive à sa femme et à ses enfants). L’obstination d’Anna et de Myroslava à répéter les prises permet sans doute aux enfants de dompter leurs peurs à force d’interpréter les moments où ils descendent dans la cave pour se protéger des bombardements et où ils se raidissent dans une position aussi aplatie que possible sur un tapis pour échapper aux balles. 

 

Mariupolis

« Mariupolis » (2016, 90 min.) est un documentaire sans voix off du réalisateur lituanien Mantas Kvedaravicius qui a été tué à Marioupol par les troupes russes en avril 2022. Anthropologue et cinéaste, Kvedaravicius y livre un poème filmé consacré à de multiples détails de la vie quotidienne à Mariupol pendant cette longue période de huit ans qui sépare les premières conquêtes russes et la guerre actuelle. La ville est comme suspendue dans une atmosphère étrange. Ni la paix, ni la guerre. Les trams  démarrent le matin sans trop savoir s’ils seront bombardés, Des retraités jouent aux échecs dans un parc. Dans l’atelier d’un cordonnier de la minorité grecque une icône déchue des temps anciens reste accrochée au mur : Léonide Brejnev. Cette approche intimiste restitue au mieux une réalité qui semble échapper à toute définition. Elle montre aussi l’attachement des habitants pour leur ville. Une des clés sans doute de la défense héroïque de plusieurs mois lors de l’invasion de 2022.

Entrée par le balcon

« Entrée par le balcon » (2020, 26’) de Roman Blazhan. Un documentaire anthropologique sur l’architecture urbaine. Comment des balcons anarchiquement créés par les habitants rompent la monotonie des barres de logement de l’époque soviétique.

Jeunesse en sursis

Jeunesse en sursis” (Stop Zemlia, 2021, 122’) de Kateryna Gornostaï. Un regard radical, authentique et sensible sur le sentiment troublant d’être jeune et un point de vue intérieur sur la jeunesse ukrainienne.

L’équipe de Marioupol

« L’équipe de Marioupol » (2018, 21’) d’Oksana Kazmina. “Mariupolchanka” est une équipe de football féminin. En 2018, au moment du tournage de ce documentaire, léquipe voulait récupérer sa place en première division. Comment le collectif reprend en main le sport. Au-delà du sport, l’expérience d’une auto-organisation démocratique.

War note

« War note » (2021, 68’) de Roman Liubyi. Un voyage surréaliste sur la ligne de front à travers les vidéos personnelles de soldats ukrainiens. Un monde bizarre dont les lois sont différentes de celles auxquelles nous sommes habitués. Le comportement est différent, les relations se déroulent différemment et l’humour prend des notes différentes. Les héros se réveillent et s’endorment, se réjouissent et pleurent, ayant toujours l’impression que l’enregistrement peut prendre fin à tout moment.

Retour à la maison

« Retour à la maison » (2019, 96 min.) a été  réalisé en tatar de Crimée.  Nariman Aliev y raconte le parcours chaotique et tragique du corps d’un jeune étudiant tatare tué par l’armée russe que son père veut enterrer sur la terre ancestrale en Crimée, occupée par les troupes russes depuis 2014.

Dans notre synagogue

« Dans notre synagogue » (2018, 19 min.) est un des rares films de fiction réalisés en yiddish au cours du XXIe siècle. Ivan Orlenko part d’un texte inachevé de Kafka écrit en mai ou juin 1922 : « Die Synagoge von Thamühl ». Il . Il situe son film dans la synagogue d’une petite ville au début de l’occupation nazie. La caméra fouille les fissures, les couloirs, les passages sombres et étroits tandis que le personnage central d’une douzaine d’années est autant tourmenté par la silhouette d’une jeune fille qui prend son bain rituel que par la présence d’une bête qui hante la synagogue. Son obstination à vouloir comprendre ce qui se passe dans les profondeurs lui épargne d’observer le présent.

Pour en savoir plus, écoutez les interviews de cinéastes d’Ukraine réalisées par Brigid Grauman du Comité belge du RESU : 

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