Analyses

Trois ans de guerre : les leçons du Février noir que nous n'avons pas apprises - par le collectif éditorial russe de "Posle"

Les « pourparlers de paix » qui ont lieu actuellement entre Poutine et Trump n'apporteront que de nouvelles guerres au monde.

Illustration: Posle
Mar 10, 2025

Posle: article original en russe

Traduit par le RESU (Belgique)

Cela fait maintenant trois ans que l'agression criminelle de Poutine contre l'Ukraine s'est transformée en une invasion à grande échelle. Des centaines de milliers de personnes ont été tuées, des millions de réfugié sont fui leur patrie et des dizaines de villes ont été réduites en ruines. Depuis mars 2022, date à laquelle le plan initial de « changement de régime »rapide à Kiev a définitivement échoué, « l'opération militaire spéciale » de Poutine s'est transformée en une guerre d'usure. Sans tenir compte des pertes, le Kremlin a continué à augmenter le coût de la guerre pour l'Ukraine et ses alliés avec une persistance monstrueuse. Pour la Russie de Poutine elle-même, cette guerre ne consiste plus seulement à étendre ses frontières ou à accroître son influence dans l'espace post-soviétique. Il s'agit désormais d'un problème existentiel. La question est la suivante : le régime russe peut-il non seulement survivre, mais aussi faire de sa vision un nouveau principe de la politique mondiale ? Il semble que la destruction d'un État ukrainien indépendant, qui est l'objectif ultime de "l'opération militaire spéciale", serait reconnue par tous comme un signe de la supériorité d'une véritable puissance militaire sur un droit international impuissant. Ce n'est que lorsque le monde entrera dans une nouvelle ère de redistribution impérialiste, une lutte pour les territoires entre les puissances militaires les plus fortes, que la « victoire » de la Russie sera véritablement consolidée.

Aujourd'hui, après le début des négociations russo-américaines, il semble que cette «victoire» soit proche. Cependant, il ne s'agit pas d'une victoire militaire : l'armée ukrainienne continue de résister et la Russie n'a pas réussi à prendre une seule grande ville ukrainienne en trois ans. Il s'agit plutôt d'une victoire idéologique, d'une victoire de la vision du monde de Poutine. Le format même de la rencontre entre Sergueï Lavrov et Marco Rubio, représentants de puissances militaires discutant calmement de la division du territoire d'un autre pays et de ses richesses naturelles, rappelle les événements les plus honteux et injustes du passé, tels que les partages de la Pologne à la fin du XVIIIe siècle ou le pacte de Munich de 1938.

L'administration américaine n'offre aucun plan définitif pour mettre fin à la guerre, et la Russie n'a pas encore manifesté la volonté de faire des compromis et de renoncer à au moins certaines de ses revendications territoriales.

La différence, cependant, est que, contrairement à ce qui s'est passé à Munich, il n'y a pas cette fois de cartes sur la table des négociations sur lesquelles les diplomates pourraient tracer les nouvelles frontières des empires. L'administration américaine n'offre aucun plan définitif pour mettre fin à la guerre, et la Russie n'a pas encore manifesté la volonté de faire des compromis et de renoncer à au moins certaines de ses revendications territoriales. Pour les deux parties, ces négociations ont surtout une importance symbolique : il est important pour elles de montrer qu'un tel scénario ne doit plus paraître impensable et que les règles du jeu ont été radicalement modifiées. Bien qu'elle ait été plutôt infructueuse, cette rencontre restera dans l'histoire comme le début d'une nouvelle ère, celle de l'impérialisme du XXIe siècle. Cependant, si le monde entier est réellement divisé entre prédateurs et victimes, la Russie d'aujourd'hui, économiquement faible et ayant déjà perdu la vie de plus de 200 000 soldats, a-t-elle la garantie d'une place parmi les élites dirigeantes ?

Comme chacun le sait, l'Empire russe a fait la sourde oreille à une question similaire à la veille de son entrée dans la Première Guerre mondiale. Surestimant sa propre puissance et aveuglée par de faux mythes impériaux et le mépris de sa propre population, la Russie tsariste n'a pas conquis Constantinople, mais a plutôt été confrontée à l'effondrement militaire et à la révolution. À l'instar des travailleurs de l'Empire russe, des millions de citoyens d'autres pays engagés dans la guerre ont tourné leur colère contre leurs propres gouvernements. Il a fallu un siècle de plus pour que cette leçon soit complètement effacée de l'esprit des élites dirigeantes, qui sont à nouveau obsédées par l'idée d'expansion impériale.

Le sort des Ukrainiens aujourd'hui tourmentés pourrait bientôt devenir l'image de l'avenir de l'humanité, mais l'humanité a toujours la possibilité de dire « Assez ! » à cette folie impérialiste.

Les « pourparlers de paix » qui ont lieu actuellement entre Poutine et Trump n'apporteront que de nouvelles guerres au monde.L'impérialisme ne s'arrête jamais à mi-chemin — l'acquisition des territoires convoités ne fait qu'inviter à de nouvelles agressions. Le sort des Ukrainiens aujourd'hui tourmentés pourrait bientôt devenir l'image de l'avenir de l'humanité, mais l'humanité a toujours la possibilité de dire « Assez ! » à cette folie impérialiste.

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Quelle sont les bases politiques du média d'opposition "Posle"?

Après l'invasion de la Russie en Ukraine, la vie dans les deux pays ne sera plus jamais la même. Mais pour continuer à vivre et à agir, nous devons en grande partie faire le tri. Comment cette guerre est-elle devenue possible ? Pourquoi ne parvient-on pas à l'arrêter? Quel sera l'avenir après le début de la guerre ?

« Après »1 - est une tentative de trouver des réponses à ces questions. En tant que collectif de camarades, nous condamnons la guerre qui a conduit à une catastrophe humanitaire, à des destructions colossales et à des massacres de civils en Ukraine, et qui a provoqué une vague de répressions et un durcissement de la censure en Russie. En tant que collectif de la gauche, nous ne pouvons pas considérer cette guerre sans tenir compte de l'énorme inégalité sociale et de l'absence de droits de la majorité des travailleurs. Et, bien sûr, l'idéologie impérialiste, qui cherche à maintenir le statu quo et puise ses forces dans les dictionnaires du militarisme, de la xénophobie et de l'intolérance.

Notre plateforme a été créée pour comprendre la structure de ces problèmes et imaginer des moyens de les résoudre. « После » (Posle) accueille et invite à collaborer les chercheurs, les journalistes, les activistes, les témoins — tous ceux qui s'efforcent de comprendre le présent et de penser l'avenir.

1 "Posle" signifie "après" en russe.

Pour en savoir plus: visitez le site de Posle en anglais et en russe.

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