Des historiens allemands accusent
le SPD d'Olaf Scholz d'apaisement envers la Russie
Des historiens allemands accusent le SPD d'Olaf Scholz d'apaisement envers la Russie
Source : Sam Jones, Financial Times, 29 mars 2024
Des historiens allemands de renom ont condamné le chancelier Olaf Scholz pour la position de son parti sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, aggravant ainsi le différend sur les appels de l’aile gauche du parti à des négociations avec Moscou.
La politique russe du parti social-démocrate est “arbitraire, erratique et erronée dans les faits”, indique une lettre ouverte au chancelier signée par cinq historiens du XXe siècle. Elle accuse les dirigeants du parti de risquer une erreur “fatale” d’apaisement face à la “guerre d’agression contre l’Ukraine” menée par la Russie.
Parmi ces historiens figure Heinrich August Winkler, auteur notamment du grand livre « Les ouvriers et le mouvement ouvrier sous la République de Weimar » (1984), l’un des universitaires les plus respectés du pays et membre du SPD depuis plus de 60 ans. Les quatre autres signataires de la lettre sont également membres du parti.
La position équivoque du parti à l’égard de Moscou, plus de deux ans après l’invasion totale de l’Ukraine par la Russie, devient un problème pour M. Scholz, qui s’est engagé à soutenir Kiev aussi longtemps qu’il le faudrait.
Le chancelier s’est retrouvé politiquement isolé alors qu’il tente de maintenir un équilibre entre les opinions de la puissante aile pacifiste de son parti et son engagement à un Zeitenwende (tournant dans la politique de sécurité) qui mettrait fin à des décennies de sous-investissement militaire et de compromis diplomatiques avec Moscou.
La lettre, dont de nombreux journaux allemands se sont fait l’écho jeudi, affirme que le SPD ne tient pas compte des leçons de l’histoire et ignore la réalité des événements actuels en Russie, malgré les appels d’alliés de Berlin, tels que les États-Unis et la Pologne.
Les partenaires de la coalition de M. Scholz, les Verts et les Libéraux-démocrates, critiquent de plus en plus l’immobilisme du SPD – une tension cristallisée par le récent débat sur la livraison de missiles de croisière Taurus à l’Ukraine.
L’Allemagne est le plus grand donateur d’équipements militaires à Kiev après les États-Unis, mais M. Scholz a résisté aux appels à l’envoi de munitions à longue portée, même lorsque la guerre a basculé en faveur de la Russie.
Au début du mois, Rolf Mützenich, chef de file du groupe parlementaire du SPD, est monté au créneau dans un discours prononcé au Bundestag, dans lequel il demandait instamment que l’on réfléchisse aux moyens de mettre fin à la guerre.
Ce discours a suscité des critiques de la part de l’opposition et des partenaires de la coalition gouvernementale, Marie-Agnes Strack-Zimmermann, présidente de la commission parlementaire de la défense, qualifiant la position du SPD de “scandaleuse”.
Mais les députés de la gauche du parti – qui représentent environ la moitié de son groupe parlementaire – ont poursuivi en déclarant qu’ils “soutenaient pleinement” la suggestion de Mützenich et que la recherche d’une issue pacifique avec la Russie était dans les “gènes” du mouvement.
Michael Roth, l’un des plus éminents experts en politique étrangère du SPD, a déclaré cette semaine qu’il quittait la politique en raison de l’attitude de son parti à l’égard de la Russie.
M. Roth, ancien ministre des affaires étrangères, a déclaré qu’assister aux récentes réunions du parti SPD était pour lui “comme entrer dans un réfrigérateur” en raison de son soutien franc à l’Ukraine et de ses appels lancés au SPD pour qu’il soutienne l’octroi d’une aide militaire supplémentaire.
L’ambassadeur d’Ukraine en Allemagne, Oleksii Makeiev, a également critiqué le SPD. Il a déclaré cette semaine que “geler” le conflit revenait à soutenir un génocide.
Les responsables du SPD ont réagi avec colère aux critiques croissantes, même si, jusqu’à présent, il n’y a guère de signes d’un assouplissement de la position de l’aile gauche du parti.
L’ancien chancelier Gerhard Schröder, dont les liens étroits avec la Russie ont fait de lui une figure de dérision dans la presse allemande, a profité du débat pour plaider à nouveau en faveur de négociations avec Moscou.
La France et l’Allemagne devraient chercher de toute urgence à négocier une trêve, a-t-il déclaré dans une interview accordée à l’Agence de presse allemande et publiée jeudi, se présentant comme un médiateur potentiel grâce à sa relation “raisonnable” avec le président russe Vladimir Poutine.