Nayf Hakoum (à droite) avec sonfrère Yahia Hakoum

Nayf Hakoun (à droite) avec son frère Yahia

Comité belge du RESU, 19 septembre 2024

Hommage à Nayf Hakoum

Nous partageons la douleur de Yahia Hakoum, militant de la lutte de libération du peuple syrien contre le régime d’Assad. Il a appris la mort de son frère Nayf Hakoum le 13 seprembre 2024. Son frère est tombé sur le front dans le district de Kherson. La famille Hakoum, active dans la lutte contre la dictature d’Assad en Syrie porte déjà le deuil de plusieurs frères. Nayf vivait en Ukraine depuis 1998. 

Réfugié en Belgique, Yahia Hakoum soutient la résistance du peuple ukrainien de manière ferme et constante. Il s’est exprimé contre le campisme de certaines forces de gauche qui rejettent la lutte contre l’impérialisme russe.

La famille Hakoum: un témoignage des crimes du régime syrien

(extrait d’un entretien de Baudoin Loos avec Yahia Hakoum, publié par « Le Soir » le 14 mars 2016)

Yahia Hakoum est arrivé en Belgique en 2012 à l’âge de 26 ans. Il nous avait accordé une interview en juin de cette année-là, où il racontait la révolution, la torture, le choix de l’exil. Nous avons retrouvé, quatre ans plus tard, un homme mûr, qui nous parle de sa famille, de son pays, sans cacher ses indignations ou ses espoirs.

(…)

Qu’est devenue votre famille ? 

En 2012, ma famille n’avait pas pris de position par rapport à la révolution. J’avais un frère de 25 ans, Youssef, qui travaillait dans les services de renseignement, dans un bureau important qui réunissait les informations de tous les services et rendait compte directement au président Bachar el-Assad. En juillet, il a fait défection pour aller rejoindre un groupe de l’Armée syrienne libre (ASL) dans notre village. Quelques jours plus tard, un hélicoptère envoyait des missiles sur notre maison, qui a été partiellement détruite. En juin 2013, Youssef a été arrêté, ils avaient interpellé un autre frère qui était à l’hôpital, et puis ils ont proposé un échange et il s’est rendu. Quelques mois plus tard, ils ont appelé la famille pour l’informer de son décès. On n’a jamais pu voir son corps. 

Et le reste de la famille ? 

Après, tout le village, El Sahl, et ses environs près d’Ennabek, ont été libérés de la mainmise du régime, cela entre 2012 et 2014. Cette année-là, les miliciens du Hezbollah libanais sont arrivés dans la région, ils ont bombardé pendant un mois. Ce village de 10.000 habitants au départ a été quasiment rasé. Ma famille a dû quitter les lieux. Ma mère est réfugiée dans un camp à Ersal, au Liban (mon père est décédé depuis vingt ans). Au début, elle était avec mes deux sœurs, Assalia et Nada, mais comme mes autres frères ont été arrêtés, elles sont retournées en Syrie pour s’occuper des enfants. L’un de mes frères arrêtés, Mahmoud, était avec l’ASL. On croit qu’il est mort(1). Le troisième frère, Zakaria, est mort torturé à l’hôpital militaire 601 à Damas, je l’ai vu dans des vidéos montrant les traitements réservés aux prisonniers là-bas, c’est terrible. On n’a pas de nouvelles mais il est sans doute décédé également. Enfin, mon petit frère Ali, qui avait rejoint l’ASL, a lui aussi été tué par le Hezbollah dans les montagnes du Qalamoun. J’ai donc perdu quatre frères depuis le début de la révolution. J’ai encore trois frères. Naëf vit en Ukraine depuis très longtemps, Ahmed et Joum’a, deux juristes, vivent dans des camps de réfugiés à Ersal. Joum’a a combattu avec l’ASL jusqu’à ce que le manque de moyens financiers et d’armement l’a décidé à chercher refuge au Liban, fin 2014. Lui, c’est un débrouillard, au départ il avait une agence immobilière. Il saurait vendre de l’air. Il trouve des petits boulots à gauche et à droite. Mais c’est difficile pour eux, officiellement ils n’ont pas le droit de travailler, ils sont en situation irrégulière. 

(…)

A vous suivre sur les réseaux sociaux, on voit vos indignations, pouvez-vous les résumer ? 

En Europe, les médias, souvent, répètent la propagande du régime syrien. Et j’observe une indifférence des sociétés civiles par rapport aux Syriens. On reconnaît qu’il y a eu une révolution en Egypte, en Tunisie, au Yémen, en Libye, mais pas en Syrie ! C’est un manque de respect par rapport aux sacrifices consentis par les Syriens. On ignore ces sacrifices pour ne parler que de Daesh et de ses dangers ! Les Syriens sont devenus des chiffres abstraits, tel nombre de réfugiés, d’immigrants, on ne voit pas toutes ces vies détruites par Assad puis plus tard aussi par Daesh. On ne parle que du monstre menaçant Daesh et on se fiche des massacres bien plus importants commis par le régime car on pense qu’il ne nous menace pas. Cela fait mal, car pour moi, l’Europe, c’est le paradis des droits de l’homme sur Terre. Cela m’a toujours révolté. Surtout quand je lis ou entends ces journalistes qui vont en Syrie répondant à des invitations côté régime et ne retiennent que la propagande sur les minorités menacées sans mentionner la majorité massacrée. 

  1. En juin 2024, la famille Hakoum a appris que Mahmoud avait été assassiné le jour même de son arrestation par les corps de répression de la dictature.

Yahia Hakoum au cours d’une manifestation de solidarité avec la résistance du peuple ukrainien (Bruxelles, février 2023).

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